Travailleurs indépendants : la réforme de l'assiette sociale cache-t-elle des effets de bord ?

Depuis le 1er janvier 2025, 4 millions de travailleurs indépendants font face à un changement significatif.

L’article 18 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a en effet révisé leur assiette de cotisations sociales (retraite, maladie-maternité, allocations familiales, …) et l’assiette des contributions CSG-CRDS, en remplaçant les deux par une assiette unique et simplifiée.C ette réforme, censée apporter plus de lisibilité et améliorer les droits sociaux des indépendants, pourrait cependant présenter quelques effets délétères. Le point dans cet article.

Refonte de l'assiette sociale des TNS : ce qu'il faut savoir

Cette réforme de la base de calcul des cotisations et contributions sociales concerne les travailleurs indépendants agricoles (affiliés à la MSA) et non agricoles (artisans-commerçants, libéraux non réglementés), les professions libérales réglementées relevant de la CNAVPL et les avocats.

Les objectifs poursuivis dans le cadre de cette refonte sont doubles : d'une part, apporter de la simplification et une plus grande lisibilité, ce qui permet notamment de limiter les erreurs déclaratives. D'autre part, il s'agit de donner plus d'importance à la part des cotisations dites « contributives », c'est-à-dire créatrices de droits individuels (retraite, indemnités journalières maladie et maternité, invalidité-décès). Et pour cause, il faut savoir que pour un revenu identique, les indépendants s'acquittent d'une plus grande part de prélèvements sociaux que les salariés, avec en contrepartie des droits sociaux plus faibles.

Ce changement vient donc harmoniser les règles entre indépendants et salariés et optimiser les droits sociaux des premiers, en particulier leurs droits à la retraite.

Désormais, les travailleurs indépendants cotiseront sur une assiette unique contre deux assiettes distinctes auparavant. Cette assiette unique de cotisations « brute » est calculée sur le revenu professionnel net du travailleur indépendant auquel s'applique un abattement forfaitaire de 26 %.

Cet abattement est encadré par un plancher et un plafond. Il ne peut être ni inférieur à 1,76 % du PASS (soit 829 € en 2025), ni supérieur à 130 % du PASS (soit 61 230 € en 2025).

Le décret d'application du 5 juillet 2024 est venu définir les nouveaux paramètres de calcul des cotisations et les taux applicables aux cotisations et contributions dues en 2026 au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2025.

L’article 13 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 a précisé que la réforme s’appliquera lors de la régularisation en 2026 des cotisations dues au titre de l’exercice 2025. En 2025, les cotisations provisionnelles restent donc calculées selon les règles antérieures à la réforme.

Les problèmes fondamentaux de la réforme de l'assiette sociale des indépendants

La refonte de l'assiette sociale des TNS ne présenterait pas que des effets vertueux. D'une part, cette évolution constitue en effet un rétropédalage vers un système de taxation forfaitaire, alors que depuis des années, on encourage un système basé sur les revenus réels. La mise en place d'un abattement forfaitaire, donc identique pour tous, va à rebours de ce principe.

D’autre part, l'application d'un abattement forfaitaire de 26 % présente trois limites pouvant se révéler problématiques :

  • Il s'applique de manière uniforme pour tous les déclarants, il n'est pas calculé individuellement en fonction des revenus ;
  • Il est encadré par un plancher et un plafond ;
  • Les charges sociales situées en dehors de ces limites ne peuvent pas être prises en compte.
     

Le plafonnement de cet abattement peut avoir des effets délétères sur les indépendants percevant de hauts revenus. Pourquoi ? Ils cotiseront sur une base supérieure à leur situation réelle.

Prenons un exemple pour illustrer le problème posé par les limites de l'abattement. Louis est commerçant, il doit s'acquitter de 92 000 € de charges sociales. L'instauration d'un abattement plafonné ne lui permettra de déduire que 61 230 € en 2025 (soit 130 % du PASS, la limite de l'abattement). Conséquence directe : il surcotisera sur la différence.

Il est à noter que ce taux d'abattement uniforme peut se révéler inégalitaire dans un contexte où, par exemple, les travailleurs indépendants et les libéraux pour ne citer qu'eux, se voient appliquer des taux de cotisations sociales très variables.

Autre pierre d'achoppement : les taux de cotisations applicables en 2025 évolueront nécessairement à l'avenir. Quid de ce taux d'abattement de 26 % dans ce contexte ? Sera-t-il ajusté concomitamment à l'évolution des taux de cotisations ? Dans le cas contraire, cela serait pénalisant pour les déclarants.

Afin de pallier les effets de bord de la réforme sur certains indépendants, il pourrait être intéressant d'envisager la possibilité d'une option pour le calcul au réel. Cette solution permettrait d'offrir une alternative équitable aux indépendants pénalisés par le système forfaitaire. Affaire à suivre…

En attendant un bilan de protection sociale TNS ou profession libérale avec un conseiller spécialisé peut s’avérer très utile pour faire de la pédagogie sur cette réforme et vérifier si les garanties complémentaires souscrites par les dirigeants sont en adéquation avec leurs besoins.