Congés payés : les arrêts de la Cour de Cassation

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts sur les congés payés en formation plénière, le 13 septembre dernier. Elle écarte des dispositions du Code du travail pour se mettre en conformité avec le droit de l’Union Européenne.

Comme tout dirigeant le sait, un salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. Mais qu’est-ce que le « travail effectif » lorsque le salarié est malade ?

Sur ce point, l’article L. 3141-5 du Code du travail prévoit que certaines situations sont assimilées à du travail effectif pour l’acquisition des droits à congés payés. Plus précisément, « les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle».

De ce fait, selon cette disposition légale, si l’arrêt ne résulte ni d’un accident du travail, ni d’une maladie professionnelle, il n’y a aucune assimilation à du travail effectif donc aucun droit à congés payés.

Cette disposition n'est pas conforme au droit de l’Union européenne. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) n’autorise aucune distinction entre les salariés en situation de maladie et les autres en matière de congés payés.

Est-ce vraiment une nouveauté ?

Cela fait plusieurs années que la Cour de cassation, dans ses rapports annuels, invite le législateur à modifier l’article L. 3141-5 du Code du travail pour le mettre en conformité avec le droit de l’Union européenne, notamment celui issu de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

Dernièrement, dans un arrêt du 2 mars 2022, la position de la Cour de cassation annonçait la (r)évolution à venir.

Ce que les dirigeants, DRH, DAF et juristes doivent retenir de ces décisions :

  • Les salariés en arrêt maladie « ordinaire » pourront acquérir des jours de congés payés durant la suspension de leur contrat de travail. Il s’agit d’un droit à tous les congés payés (les 5 semaines et les congés conventionnels).
  • Les salariés en accident de travail ou maladie professionnelle se verront également acquérir des congés payés sans limite de temps (auparavant, limité à 1 an) ;

Il ne s'agit pas d'un droit sans limite : la CJUE a admis qu’au regard de la finalité même du droit au congé annuel payé, un salarié en incapacité de travail durant plusieurs années consécutives ne saurait cumuler de manière illimitée des droits à CP durant cette période.

Elle en a déduit qu’il est possible de prévoir une période de report des congés au terme de laquelle ceux-ci pourraient être perdus, sous réserve que cette période soit suffisante (15 mois serait une période de report suffisante, 9 mois serait trop court).

  • Le délai de prescription de l’indemnité de congés payés ne pourra commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés.

La Cour de cassation précise dans son troisième arrêt que « le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé » (22-10.529).


Pour la période passée, quel traitement pour les salariés présents ?

Pour les salariés encore présents, il convient de leur faire prendre les congés payés. La directive 2003/ 88/CE du 4 novembre 2003 a vocation à protéger la santé des salariés, ce qui suppose que les congés acquis pendant les périodes de maladie doivent être pris et non pas indemnisés comme lors d’une rupture.

Lorsqu’un salarié a acquis cinq semaines en raison d’une absence d’une année complète, il convient d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé en lui faisant prendre a minima les quatre premières semaines de congés lors de la reprise ou le plus rapidement possible. La cinquième semaine devrait en revanche pouvoir venir abonder le compte épargne-temps à l’initiative du salarié, si un tel dispositif existe (mais pas les quatre premières). Il convient en conséquence de privilégier la prise du congé au versement d’une indemnité compensatrice de congés payés.


Est-il possible de prévoir par accord d’entreprise ou de branche une limite au report des congés payés ?

Lorsqu’un salarié est absent pour maladie depuis longtemps, il acquiert un nombre très important de congés payés. Or, ce n’est sans doute pas l’esprit du droit de l’Union européenne que de permettre au salarié en maladie de cumuler un nombre très important de congés payés. La CJUE, en ce sens, considère qu’il convient de « protéger l’employeur d’un risque de cumul trop important de périodes d’absence du travailleur et des difficultés que celles-ci pourraient impliquer pour l’organisation du travail » (CJUE, 22 novembre 2011, Aff. N° C-214/10, point 39).

Dans cet arrêt, il était question de savoir si une législation nationale (Allemagne) pouvait autoriser les partenaires sociaux à limiter dans le temps le report des congés payés. La CJUE a répondu « que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales, telles que des conventions collectives, limitant, par une période de report de quinze mois à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint, le cumul des droits à un tel congé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives » (pont 44).

Certains y voient une éventuelle solution pour éviter que des salariés absents depuis très longtemps ne puissent cumuler des droits très importants.

Auteur de l'article

Mehdi CAUSSANEL-HAJI
Avocat