Clause de non-concurrence et inaptitude : un piège qui peut être évité !
Bien rédigée, une clause de non-concurrence est un instrument très utile de protection des intérêts de l'entreprise. Cela étant, l'application de cette clause peut soulever des difficultés particulières lorsque le contrat de travail est rompu en raison d'une inaptitude du salarié, notamment en l'absence de préavis. Une jurisprudence récente de la Cour de cassation vient clarifier les obligations de l'employeur dans ce contexte.
Conditions de validité et mise en œuvre de la clause de non-concurrence
Pour être valable, une clause de non-concurrence doit répondre à plusieurs conditions cumulatives posées par la jurisprudence constante :
- Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.
- Elle doit être limitée dans le temps et l'espace.
- Elle doit prévoir une contrepartie financière au profit du salarié.
- Elle ne doit pas empêcher le salarié d'exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience.
La clause produit ses effets à compter de la rupture effective du contrat de travail, sauf si l'employeur y renonce dans les délais et conditions prévus. Ce droit de renonciation doit être express, non équivoque, et respecter les formes contractuellement définies.
La spécificité de l'inaptitude : absence de préavis et difficultés d'articulation
Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail et qu'aucune solution de reclassement n'est possible, l'employeur peut procéder à un licenciement pour inaptitude. Dans ce cas, aucun préavis n'est exécuté ni indemnisé.
Cette situation soulève une question cruciale : à quel moment l'employeur doit-il renoncer à la clause de non-concurrence pour que cette renonciation soit valable ?
En l'absence de préavis, certains employeurs considéraient qu'ils pouvaient naturellement renoncer à la clause dans le délai qui avait été fixé dans le contrat de travail et qui avait été accepté par le salarié (en général entre 15 et 30 jours de délai pour libérer ce dernier).
C’est cette lecture qui vient d'être remise en cause par la Cour de cassation.
L'arrêt du 29 avril 2025 : une clarification attendue
Dans une décision du 29 avril 2025 (Cass. soc., 29 avr. 2025, n° 23-22.191), la Cour de cassation a affirmé que, lorsque le contrat de travail est rompu sans préavis exécuté (que ce soit en raison d'une dispense ou de l'inaptitude du salarié), la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir au plus tard à la date de la notification du licenciement.
Ce délai s’impose même si le contrat de travail a prévu un délai de renonciation.
Dans cette affaire, un salarié licencié pour inaptitude réceptionne sa lettre de licenciement le 27 septembre. L'employeur renonce à la clause de non-concurrence 12 jours plus tard, pensant respecter le délai de 20 jours prévu par le contrat.
La Cour censure cette pratique, jugeant la renonciation tardive et impose le versement de la contrepartie financière.
Conséquences pratiques
Cette position confirme une tendance jurisprudentielle amorcée dans les cas de rupture conventionnelle ou de préavis non exécuté : le salarié doit connaître dès la notification de la rupture s'il est ou non tenu par une obligation de non-concurrence.
Les employeurs doivent donc prendre les dispositions suivantes :
- Intégrer la renonciation à la clause directement dans la lettre de licenciement en cas d'inaptitude ;
- Ne pas attendre l'expiration d'un délai contractuel postérieur à la notification ;
- Modifier la rédaction des contrats de travail (ou prendre le risque de subir une inopposabilité de la libération de la clause de non-concurrence)
- Conserver la preuve de la communication effective de la renonciation.
La clause de non-concurrence est un outil nécessaire pour protéger les intérêts de l'entreprise mais sa mise en œuvre requiert une vigilance accrue et une attention aux orientations jurisprudentielles.
La jurisprudence du 29 avril 2025 impose une rigueur nouvelle : l'employeur ne peut plus se réfugier derrière un délai contractuel pour renoncer à une clause de non-concurrence lorsque le contrat est rompu sans préavis. Il s'agit d'une avancée importante pour la sécurité juridique du salarié, mais aussi d'une source potentielle de coûts inattendus pour l'employeur mal conseillé. Une révision attentive des contrats et des pratiques internes s'impose donc.