Chute de la personne âgée : garder l’équilibre, ça s’entretient
Tomber, ça peut arriver à tout âge. Mais les risques augmentent avec l’âge : le risque de tomber, le risque de se blesser en tombant (fracture, traumatisme crânien…) et le risque de décès des suites d’une chute. Raison de plus pour réagir dès qu’on se sent moins à l’aise sur ses appuis. Allier précautions et prévention, c’est le secret, comme l’explique Pierre Dalarun, psychomotricien et intervenant dans les Centres de Prévention Bien Vieillir Agirc-Arrco à Paris*.
Comment aborder le risque de chute quand on avance en âge ?
"Ce que je dis souvent à mes patients ou aux personnes qui suivent mes ateliers, c’est « n’attendez pas de tomber ». On sait qu’une chute peut avoir des conséquences graves : traumatismes crâniens, fractures, lésions… Mais même une chute en apparence légère laisse des traces. Ce n’est pas parce qu’on s’est relevé sans blessures, qu’on ne reste pas blessé quelque part en soi. Il y a le choc physique, et il y a son impact psycho-traumatique : il mène vers ce qu'on appelle le syndrome post-chute, qui peut précipiter en quelques mois une personne autonome vers la dépendance et l’Ehpad, en l'absence de soins médicaux et psychologiques adaptés et immédiats.
Voilà pourquoi il ne faut pas attendre : dès qu’on se sent un peu moins bien sur ses appuis, le bon réflexe est d’en parler à son médecin et de faire le point sur son équilibre. Il y a pour cela un test, qu’on appelle dans notre jargon le test d’appui unipodal. Il s’agit de rester en appui sur un pied, pendant au moins 5 secondes, sans aide. Je recommande de ne pas faire ce test tout seul : un proche doit être présent, ou bien un spécialiste, kiné ou psychomotricien. Si on tient moins de 5 secondes, le risque de chute est important, indépendamment des nombreux facteurs de risque qu’on connaît (voir encadré ci-dessous). Il faut donc prendre des mesures."
Que faire pour travailler son équilibre quand on est âgé ?
"Faire de l’activité physique, un peu et souvent. C’est la base ! On n’imagine pas les progrès qu’on peut faire ainsi. Et quand je parle d’activité physique, je parle d’exercices simples : une marche de 30 mn par jour, se lever ou se rasseoir 10 fois sur sa chaise chaque jour, faire des montées de genoux en prenant un appui solide… C’est l’accumulation de ces mouvements qui va être producteur d’effets positifs. Le corps s’use d’autant plus vite qu’on ne l’utilise pas, donc le mieux est de ne jamais rester assis plus d’une heure ! Des activités comme le Qi gong et le Tai-chi sont également recommandées, ou encore la danse, très pertinente pour l’entretien de l’équilibre. Et puis il y a bien sûr les ateliers pratiques, comme ceux que j’anime, qui permettent de travailler spécifiquement les réflexes d’équilibre en se basant sur des situations qui peuvent entraîner la chute."
Que faire au-delà des exercices ?
"Si l’on veut penser à tout, il faut aussi penser à ses chaussures et à sa maison. On sait que le défaut d’appui plantaire est susceptible d’engendrer avec l’âge des problèmes d’équilibre. Consulter le podologue à la suite du médecin est donc une bonne idée. Pour la maison, faire appel à l’ergothérapeute est conseillé. Il ou elle pourra faire un diagnostic à domicile et analyser les risques. En fonction des habitudes de vie de la personne, ses capacités et difficultés, son devenir, l’ergothérapeute va apporter ses conseils d’aménagement ou d’adaptation au cas par cas : dégager les voies de circulation dans la maison, fixer les tapis au sol, installer des poignées sur les murs, poser un carré de douche pour éviter l’enjambement de la baignoire, etc."
* Pierre Dalarun intervient également au centre Anima à Paris 9°.
Ce qui précipite la chute…
Les chutes des personnes âgées sont aujourd’hui considérées comme un problème de santé publique liées au vieillissement de la population. Le phénomène est étudié, mais encore mal connu, avec des données déjà anciennes. On ne sait pas précisément combien de personnes âgées tombent chaque année en France, pourquoi elles tombent, dans quelles circonstances et pour quelles conséquences.
« Le nombre de chutes chez les personnes âgées est sous-estimé », souligne par exemple une équipe de Santé Publique France dans un de ses Bulletins épidémiologiques. Un rapport d’expertise collective de l’Inserm publié en 2015 indique qu’en France, "environ une personne sur trois âgée de plus de 65 ans et une personne sur deux de plus de 80 ans chutent chaque année". Dans une enquête de 2010 sur les accidents de la vie courante, les chutes représentent 90 % de ces accidents recensés aux urgences chez les plus de 75 ans. Des données hospitalières de 2014 indiquent que 90 % des fractures du col du fémur chez les plus de 65 ans sont dus à une chute. Sur 10 décès par chute accidentelle, 9 surviennent chez les plus de 65 ans (selon la base nationale des causes de décès 2010).
Les facteurs de risques sont nombreux : dans le rapport Inserm cité plus haut, les trois plus importants sont le déclin des fonctions cérébrales et sensorielles (vision, audition…, les effets de l’âge sur le système musculaire, et les maladies rhumatologiques comme l’arthrose ou l’ostéoporose (qui peuvent déplacer le centre de gravité du corps vers l’arrière). D’autres facteurs entrent en ligne de compte : la prise de multiples médicaments, la fragilité liée à une maladie (infection, troubles cardiovasculaire, dépression…), le faible niveau d’activité physique, la malnutrition, l’isolement, ou même… la peur de chuter. Souvent, l’accident survient quand plusieurs de ces facteurs sont combinés.
Quant aux circonstances, l’enquête de 2010 sur les accidents de la vie courante donne quelques repères : 7 chutes sur 10 se produisent à domicile. Les escaliers, le contexte « neige/verglas/glace », les lits, les chaises et les bancs sont principalement impliqués dans les accidents. Avec pour conséquences majoritaires les fractures (37%), notamment du col du fémur, des plaies et des contusions (entre 20 et 25%), puis d’autres types de lésions (entorses, commotions, etc.).