Accident de travail / Maladie professionnelle : le licenciement est possible
Envisager le licenciement d'un salarié dont le contrat est suspendu pour accident de travail (ou maladie professionnelle) est un sujet particulièrement délicat (voire risqué) pour une entreprise compte tenu des règles protectrices très strictes.
Dans un arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation vient pourtant valider un licenciement en rappelant que Durant un arrêt de travail d’origine professionnelle, l’employeur peut licencier le salarié « en cas d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie
. Lorsque le motif économique invoqué est celui de la cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise, l’impossibilité de maintenir le contrat est de ce fait caractérisée.
Une « super » protection
Pour rappel, pendant la période de suspension du contrat de travail due à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié bénéficie d'une protection particulière : l'employeur ne peut pas rompre le contrat de travail sauf en cas de faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l'état de santé du salarié. A défaut, le licenciement est nul !
Cette règle est mal connue et génère de nombreuses erreurs conduisant par exemple à rompre le contrat de travail du salarié placé en accident de travail au seul motif d’une « fin de période d’essai » opportune….dont les conséquences sont alors lourdes.
Les employeurs doivent être très vigilants et savoir utiliser les exceptions suivantes à cette protection.
Un licenciement pour fautes graves
Il faut s’assurer que la/les fautes qui vont être retenues ne soient pas prescrites et surtout que le juge en cas de contentieux ne la/les requalifie pas « en faute simple ».
La faute grave devra être une faute d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis. La jurisprudence a fourni plusieurs exemples de ce qui peut constituer une faute grave justifiant le licenciement d'un salarié en accident de travail.
- Le refus d'appliquer les consignes de l'employeur : un sportif professionnel, dont le contrat de travail est suspendu suite à un accident du travail, manque à son obligation de loyauté s'il ne se prête pas aux soins nécessaires à la restauration de son potentiel physique, justifiant ainsi son licenciement pour faute grave (Cass. soc., 20 févr. 2019, n° 17-18.912).
- Les manquements du salarié : un salarié, conducteur à l'aéroport de Roissy, s'est affranchi des horaires donnés par l'employeur et affichés pour les clients en s'abstenant d'effectuer un tour de service et en réitérant son comportement quelques jours plus tard en ne desservant pas un arrêt. Ces manquements, commis par le salarié avant la suspension de son contrat de travail, nuisent à l'image commerciale de la société et caractérisent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et constitue une faute grave (Cass. soc., 6 sept. 2023, n° 22-17.964).
L’impossibilité de maintenir le contrat
L'impossibilité de maintenir le contrat de travail est envisageable si elle est étrangère à l'accident et à la personne du salarié.
Elle peut s'analyser comme un obstacle insurmontable ou des difficultés sérieuses d'ordre économique. Cependant, l'employeur doit apporter la preuve du bien-fondé de la mesure de licenciement.
- Les difficultés économiques ? L'existence d'une cause économique de licenciement ne constitue pas nécessairement une impossibilité de maintenir le contrat de travail. La Cour de cassation rappelle depuis longtemps que l'employeur doit démontrer que les difficultés économiques rendent impossible le maintien du contrat de travail…démonstration souvent délicate.
- La liquidation judiciaire ne suffit pas non plus à elle seule à justifier l'impossibilité de maintenir le contrat de travail. La Cour de cassation a précisé que l'employeur devait également démontrer qu'il avait tenté de reclasser le salarié dans le groupe auquel l'entreprise appartient (Cass. soc. 17-10-2000 n° 98-41.960 F-D, P. c/ Assédic du Doubs)
- La cessation d'Activité de l'Entreprise : c’est sur ce point particulier que la Cour de cassation vient de se prononcer.
Dans un arrêt du 15 mars 2005, la Cour de cassation avait déjà jugé que la cessation d'activité de l'employeur pouvait justifier l'impossibilité de maintenir le contrat de travail d'un salarié en accident de travail, à condition que cette cessation soit réelle et qu'elle entraîne la suppression de tous les postes de travail (Cass. soc., 15 mars 2005, n° 03-43.038, n° 597 F - P + B).
Dans ce nouvel arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation admet qu’un salarié en accident de travail peut adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle alors que son contrat de travail est suspendu, son employeur étant contraint de cesser l’activité de son entreprise.
La Cour d’appel avait sanctionné l’employeur et déclaré le licenciement nul, puisqu’elle considérait qu’il n’apportait aucune pièce permettant de démontrer l’impossibilité de poursuivre le contrat pour des raisons étrangères à l’accident.
La Cour de cassation sanctionne à son tour les juges de fond : pour elle, la cessation totale et définitive de l’activité de l’entreprise vaut impossibilité de maintenir le contrat de travail sans que l’employeur n’ait d’autre élément à produire.
L’entreprise devra être vigilante au formalisme et mentionnera expressément dans la rupture le motif économique de la cessation totale et définitive d’activité.